Comment adapter votre processus de sélection aux personnes neurodivergentes?

Par Mélodie Briand-Lamarche, Direction des services-conseils

Selon le modèle social du handicap, les difficultés vécues par les personnes en situation de handicap sont liées à l’environnement plutôt qu’à la différence elle-même. Dans cette perspective, quand on travaille à réduire les obstacles présents dans l’environnement, ces personnes reprennent une grande part de leur autonomie et de contrôle sur leur vie. Pour une personne neurodivergente, vivre et réussir un processus d’embauche est le premier de nombreux défis professionnels. Pour vous, c’est la première occasion d’adapter l’environnement pour le rendre plus équitable et inclusif à l’égard de ces personnes. Découvrez comment dans cette capsule.

COMMENT CONCEVOIR LES EMPLOIS ET LES AFFICHAGES POUR OFFRIR UNE CHANCE ÉGALE AUX PERSONNES NEURODIVERGENTES?

Comme nous l’avons précisé dans la capsule précédente, les personnes neurodivergentes peuvent avoir des performances supérieures à la moyenne sur certaines compétences. Dans cette perspective, elles ont souvent un profil de spécialiste. Ainsi, pour leur offrir une chance égale d’embauche, il importe que les emplois de spécialistes soient décrits comme tels. Pour ce faire, certaines conditions doivent être respectées :

  • Laissez la personne responsable du service concerné par le recrutement faire la première ébauche de la description de l’emploi. Cette personne est la mieux placée pour connaître les besoins réels. L’équipe des ressources humaines est là pour la soutenir.
  • Assurez-vous que les connaissances et compétences incluses dans l’affichage sont réellement requises pour l’emploi.
  • Évitez d’utiliser d’anciennes descriptions d’emploi ou des descriptions génériques qui ne correspondent pas parfaitement à ce que vous cherchez pour l’emploi actuel.
  • Distinguez clairement les compétences obligatoires pour l’emploi de celles qui ne sont qu’un atout.
  • N’incluez pas de savoir-être génériques dans l’affichage à moins qu’ils soient indispensables à l’emploi (ex. : habileté de communication ou capacité à travailler en équipe).
  • Imaginez des emplois seniors qui n’impliquent pas de supervision directe des employé.es et d’équipes afin de permettre aux personnes neurodivergentes ayant moins de facilités relationnelles d’évoluer dans votre organisation.

Vous pouvez aussi favoriser l’équité des chances en rendant l’affichage et le processus pour postuler plus accessibles. Par exemple :

  • Rédigez l’affichage dans un langage clair et simple en évitant le jargon et les acronymes et en favorisant l’utilisation du « vous » plutôt que « la candidate ou le candidat » ou « la personne » dans la description du rôle et les consignes pour postuler.
  • Assurez-vous que la plateforme pour soumettre une candidature permet l’enregistrement en cours de démarche pour que les personnes qui postulent puissent prendre une pause sans devoir recommencer le processus au début.
  • Offrez un accès à l’affichage et aux consignes pour postuler en différents formats (couleurs et grosseurs de caractères, version audio, etc.).

COMMENT ADAPTER LE PROCESSUS D’ENTREVUE D’EMBAUCHE ET QUELLES SONT LES AUTRES STRATÉGIES D’ÉVALUATION?

Un processus d’entrevue d’embauche comporte une grande composante sociale. Qu’on en ait conscience ou non, on y mesure souvent la capacité de la candidate ou du candidat à se conformer aux codes sociaux. Pensons, par exemple, à la première impression qui se base sur la politesse, une poignée de main, l’échange de regards. Les personnes neurodivergentes peuvent être moins habiles à naviguer dans ces codes sociaux et se trouvent ainsi souvent désavantagées en entrevues. La première étape est donc d’avoir conscience de vos croyances et biais et d’éviter de baser votre jugement sur le respect de ces codes.

Vous pouvez aussi mettre en place un certain nombre d’accommodements universels qui sauront rendre l’expérience plus agréable pour l’ensemble des personnes :

  • Choisissez un lieu d’entrevue calme et une heure judicieuse, idéalement qui permet aux personnes d’éviter les déplacements aux heures de pointe.
  • Donnez des indications claires sur la façon de se rendre au lieu de l’entrevue et offrez des lieux alternatifs ou une entrevue à distance.
  • Communiquez à l’avance le déroulement de l’entrevue (la durée et le format de l’entrevue, et qui la personne va rencontrer).
  • Précisez à la personne qu’elle peut prendre son temps pour répondre aux questions, que des pauses sont possibles durant l’entrevue et que la rencontre peut se prolonger, au besoin.
  • Évitez les questions en rafale posées par différentes personnes, soyez calme et faites preuve de précision dans la formulation de vos questions.
  • N’hésitez pas à gentiment guider la personne dans ses réponses en lui indiquant par exemple qu’elle vous a donné suffisamment d’information sur un sujet précis.

En complément ou en remplacement d’une entrevue, vous pouvez aussi opter pour des stratégies d’évaluation plus favorables aux personnes neurodivergentes, par exemple leur faire accomplir un échantillon de tâches ou leur proposer un stage de courte durée. Vous vous rapprocherez ainsi de la réalité de l’emploi et évaluerez de manière plus directe la performance de la personne avec l’emploi. N’oubliez pas d’offrir un accommodement en temps ainsi que la possibilité de réaliser la tâche à distance ou avec l’ordinateur personnel de la candidate ou du candidat si cela est possible.

Pour aller plus loin
Vous voulez en savoir plus sur les stratégies alternatives aux entrevues. Le programme Aurora Neuroinclusion, mis en œuvre dans la fonction publique australienne, pourrait vous inspirer! Il offre aux personnes ayant un diagnostic de TDAH ou un trouble du spectre de l’autisme la possibilité de vivre un recrutement différent. Sans entrevue ni test, le processus d’embauche dure trois semaines pendant lesquelles les candidates et candidats effectuent des tâches similaires à celles des emplois qui pourraient leur être offerts. Les personnes retenues se voient offrir un emploi permanent à temps plein de niveau 3 à 6. Un plan de réussite est élaboré pour s’assurer qu’elles auront le soutien professionnel nécessaire, et les gestionnaires et équipes qui les entourent reçoivent une formation et du soutien pour les accompagner.

Pour en savoir plus sur le programme Aurora Neuroinclusion 
Pour en savoir plus sur les emplois à temps plein de niveaux 3 à 6.

COMMENT DONNER L’OCCASION À LA PERSONNE NEURODIVERGENTE DE PARLER DE SA DIFFÉRENCE, SANS METTRE DE PRESSION?

Une personne neurodivergente n’a pas l’obligation de parler de sa différence durant le processus d’embauche. Cependant, si elle le fait, tout le monde en bénéficie puisque cela permet de favoriser l’échange sur les accommodements pertinents dans le processus d’embauche et dans les fonctions éventuelles si elle est sélectionnée.

Dès le premier contact avec une personne candidate, vous pouvez favoriser un sentiment d’inclusion en questionnant les candidates et candidats pour savoir s’ils ont des besoins d’accommodement pour rendre le processus d’embauche plus accessible.

Outils et pratiques tirés de :

Neuroinclusion at work
The Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD)
Royaume-Uni, 2018

Neurodiversity as a Competitive Advantage
Austin, R. D. et Pisano G. P.
Harvard Business Review
États-Unis, 2017

How to Optimize Job Descriptions for Neurodivergent Job Seekers
Leopold M.
SHRM
États-Unis, 2023

Universal Design for ND at Work
Doyle N. et McDowall, A.
Birbeck University of London
Royaume-Uni, 2021

Aurora Neuroinclusion Program
Australian Government
Australie, 2023